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Les jeunes confrontés aux « pannes prolongées de l’ascenseur social »
Malgré tous les dispositifs en faveur de la jeunesse, l’avenir des jeunes reste en grande partie lié à leur origine sociale, selon un rapport parlementaire. Pour favoriser leur « mobilité sociale », les auteurs proposent de les associer plus étroitement à ces mêmes dispositifs, notamment dans les conseils d’aministration des missions locales et des CFA…
Une instance chargée de réfléchir à l’orientation des politiques en faveur de la jeunesse regroupant toutes les parties prenantes – y compris les jeunes eux-mêmes –, telle est la proposition-phare du rapport d’évaluation des politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes présenté ce mardi 28 janvier à l’Assemblée nationale par Régis Juanico, député de la Loire, et Jean-Frédéric Poisson, député des Yvelines. Un rapport qui entre dans le cadre des travaux du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l’Assemblée, créé en octobre 2012.
« Compte tenu de l’ampleur du sujet et du caractère extrêmement touffu et disparate des politiques concernées », annoncent d’emblée les rapporteurs, il a été décidé de concentrer les travaux sur un nombre limité de dispositifs, à certaines étapes clés du parcours d’un jeune : concernant le système éducatif, ils ont choisi principalement l’orientation, les filières professionnelles et les actions de lutte contre le décrochage ; d’autre part, ils ont examiné le rôle des acteurs et l’efficacité des dispositifs visant à favoriser l’accès des jeunes à l’autonomie ainsi que l’insertion professionnelle des peu ou pas qualifiés. Pour Régis Juanico et Jean-Frédéric Poisson, « les jeunes doivent en effet avoir des possibilités effectives de rebondir et de saisir une, ou plutôt des secondes chances ». En outre, l’évaluation a cherché à envisager les moyens de permettre au système éducatif de contribuer plus efficacement à l’égalité des chances, mais aussi de veiller à ce que l’école ne soit pas la seule voie de mobilité sociale.
« Pannes prolongées de l’ascenseur social »
La première partie du rapport dresse un état des lieux de la mobilité sociale des jeunes et de ses freins, et pointe les spécificités françaises. Ainsi, si le modèle français présente « incontestablement des atouts à valoriser » liés à un dynamisme démographique, « la reproduction des inégalités sociales reste toutefois importante ». Selon la dernière enquête FQP (formation et la qualification professionnelles) de 2003, 52% des hommes de 40 à 59 ans fils de cadres supérieurs étaient eux-mêmes cadres supérieurs et 46% des fils d’ouvriers étaient eux-mêmes ouvriers. Ce qui fait dire aux rapporteurs : « Les jeunes générations sont confrontées aux pannes prolongées de l’ascenseur social. »
Par ailleurs, si des moyens importants sont consacrés aux politiques publiques en faveur des jeunes (80 milliards d’euros de crédits d’Etat répartis sur une vingtaine de missions budgétaires), la performance des politiques publiques « est toutefois affaiblie par le foisonnement des acteurs et l’empilement des dispositifs, avec aussi un ciblage parfois insuffisant sur les jeunes les plus en difficulté d’insertion ». Et les rapporteurs de pointer les plus de 80 dispositifs de la politique de l’emploi mis en oeuvre en direction des jeunes depuis 1977. De surcroît, ils notent que « l’efficacité des différents dispositifs apparaît inégale et insuffisamment évaluée en dépit de progrès réels dans certains domaines ».
Du secondaire à l’emploi, en passant par le permis de conduire
Pour favoriser la mobilité sociale des jeunes, les deux rapporteurs entendent viser tous azimuts. D’abord au niveau des études secondaires : en améliorant l’accompagnement des élèves dans leur orientation, en redonnant de la visibilité aux filières professionnelles et en renforçant la lutte contre le décrochage scolaire et les dispositifs de « seconde chance ». Au niveau supérieur, ensuite, en favorisant la réussite dans les parcours universitaires et en valorisant les compétences dans la formation initiale. Au niveau de l’emploi, ils prônent des actions allant dans le sens d’un soutien plus efficace à l’insertion professionnelle et sociale des jeunes peu ou pas qualifiés et l’optimisation les outils existants. Enfin, plus largement, ils entendent renforcer l’autonomie des jeunes par le financement de logements et des études, mais aussi en simplifiant l’obtention du permis de conduire.
En synthèse, et afin de mieux associer les principaux acteurs et parties prenantes, à commencer par les jeunes eux-mêmes, les rapporteurs proposent, d’une part, de créer un Conseil d’orientation des politiques de jeunesse associant des représentants de l’Etat, des partenaires sociaux, des collectivités territoriales, des associations et des mouvements de jeunes, en lien avec l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) ; d’autre part, d’assurer une représentation et une participation effective des jeunes dans tous les dispositifs qui les concernent, avec notamment un renforcement de leur présence dans les conseils d’administration des missions locales et des CFA, ainsi que dans les Ceser (conseil économique, social et environnemental régional).
Du côté de la ministre de la Jeunesse, Valérie Fourneyron, présente ce mardi à l’Assemblée nationale, on fait savoir que la réflexion sur la création d’une instance associant toutes les parties prenantes est en cours. Reste à savoir quelle forme elle pourrait prendre : conseil d’orientation, conférence… Rien n’est encore défini.