Faire du ‘’processus’’ une composante du projet urbain, pour s’assurer de son pouvoir de transformations sociales
Et si l’implication des parties-prenantes était une nouvelle forme de gouvernance, en même temps ‘’moyen’’ et ‘’finalité’’ dans le processus d’élaboration d’un projet urbain, pour en faire un levier de transformation ?
L’approche « projet urbain » reste encore aujourd’hui largement cantonnée au domaine de l’urbanisme, guidée par des choix esthétiques (« faire beau ») et des choix techniques (dans le champ de la performance énergétique notamment).
Nos expériences nous ont conduits à développer une approche centrée sur la question sociale : peut-on conférer à un projet urbain un objectif de transformations sociales, d’amélioration des conditions de vie (et non seulement du cadre de vie), privilégiant notamment une approche de réduction des inégalités ?
Ceci implique d’aborder tous les champs du développement d’un projet urbain à l’aune de cet enjeu de réduction des inégalités : réflexions sur la programmation en équipements, notamment scolaires, sur les principes d’aménagement des espaces publics, sur la programmation de l’offre en logements, sur les mobilités, sur les politiques publiques en matière d’emploi, sur les pratiques en matière de gestion, etc.
Une de nos « doctrines » est de « poser la question du ‘’pourquoi’’ avant celle du ‘’comment’’ », autrement dit de d’abord interroger le sens, les enjeux, avant de définir des principes ou des actions. Dès lors, la question est « pourquoi un projet urbain ? », et parmi le panel de réponses possibles, la lutte contre les inégalités – le cas échéant en spécifiant certains axes thématiques – ‘’doit’’ faire partie des réponses.
À titre d’exemple, on peut conduire un projet avec un objectif d’amélioration de la santé publique (et donc de réduction des inégalités de santé) en appliquant les principes d’Urbanisme Favorable à la Santé définis par nos amis de l’EHESP, comme nous le faisons à Miramas sur le NPNRU. Ou avec un objectif d’amélioration des conditions de réussite éducative et d’épanouissement des jeunes, comme nous l’engageons sur le projet de La Castellane à Marseille, en articulant le projet ANRU au programme des Cités Educatives piloté par l’ANCT. L’exercice est passionnant : comment traduire dans le projet en matière d’habitat ou d’espaces publics l’enjeu de réussite éducative ?
Ceci permet également d’aborder la question environnementale sous un angle qui n’est pas technique, voire techniciste comme cela est parfois le cas, mais au prisme de l’intérêt social : qu’ont à gagner les populations les plus fragiles, les plus précaires, au développement de stratégies de développement durable ambitieuses ? Comment lutter contre les inégalités par ces stratégies ? L’approche de l’Urbanisme Favorable à la Santé apporte ici un éclairage intéressant, car les impacts vont bien au-delà de la santé publique : impacts économiques liés à la baisse des charges, au développement d’offres nouvelles de mobilité, amélioration du confort de vie (îlots de fraîcheur, ville des courtes distances…), impacts de plus long terme liés au développement d’une offre en services publics, etc.
Pour nous inscrire dans cette direction, nous développons des approches centrées sur les usages et les pratiques, mettant au cœur du processus d’élaboration de projet les habitant.es, mais également les technicien.nes aux différents niveaux, ainsi que les élu.es. Autrement dit, l’enjeu est de construire une gouvernance de projet collaborative, ouverte, qui permette la mise en partage : celle du diagnostic, des constats, des besoins ; celle des perspectives, des enjeux, des envies ; celle du programme et celle de la finalisation du projet.
Plus que la notion de co-construction ou de participation, nous défendons l’idée d’une gouvernance ouverte, au sein de laquelle l’implication des parties-prenantes est partie intégrante du processus de projet comme de sa finalité. C’est, à notre sens, une garantie pour des projets soutenables sur tous les registres : environnemental, social, économique. C’est ainsi conférer aux projets un objectif de transformations sociales : et si, pour ce faire, le processus était aussi important que le projet lui-même ? Autrement dit : et si une gouvernance structurée autour de l’idée de management des parties-prenantes était autant un moyen qu’une finalité pour chaque projet urbain, permettant d’en démultiplier les impacts ?