Lu sur « La Gazette »
Banlieues : la participation citoyenne convainc mais reste à consolider
L’association Ville & Banlieues a publié mercredi 21 mai une étude sur les maires et la participation citoyenne. S’ils plébiscitent le principe, l’application demeure différente selon les élus et les territoires. Quelle idée se font-ils de ce concept parfois galvaudé ? Quel bilan en tirent-ils de leurs pratiques quotidiennes ? Appellent-ils à une révolution citoyenne des politiques publiques ? Voici quelques éléments de réponses.
De la concertation nationale sur la politique de la ville en passant par le vote de la loi Lamy au Parlement sans oublier la remise du rapport Mechmache/Bacqué, une même exigence a été maintes fois répétée : « remettre les habitants au cœur de l’action publique. » Comme à chaque fois… depuis la naissance de la politique de la ville au début des années 80.
Dans la perspective que cette consigne ne reste pas une nouvelle fois lettre morte, l’association Ville & Banlieues a réalisé un diagnostic interne sur la participation citoyenne. Alors que « la hausse générale et continue de l’abstention est de plus forte ampleur en ZUS », un peu plus d’un quart (38) des 120 maires adhérents – représentant tout de même plus d’1,5 million d’habitants – ont participé à l’enquête.
- Le sens politique de la participation citoyenne diverge parmi les maires. Même si un édile sur sept y voient encore une forme de contrôle, « presque tous entendent développer des échanges pacifiés et constructifs au-delà des affrontements et des conflits réguliers » note l’association d’élus. Répondant à la théorie de Karl Marx sur l’inachèvement de la démocratie – qui fait du peuple le souverain tout en lui refusant la participation au pouvoir –, la participation citoyenne demeure plutôt bien vue dans ces territoires de relégation.
- Les dispositifs de participation citoyenne sont un succès. Initialement créés dans les quartiers « politique de la ville », ces maires les ont souvent généralisés à l’ensemble de leur commune. Aujourd’hui, plus de 90% affirment « concerter régulièrement ou systématiquement » leur population, 60% des villes se sont dotées d’un référent administratif et 50% d’un budget spécifique.
Ce consensus apparent chez les maires est d’autant moins étonnant que la démocratie participative… reste un concept flou. Entre amélioration de la qualité des décisions (71%) et modernisation des services publics (21%), les finalités diffèrent sur le terrain. « C’est devenu un impératif sans que la diversité de ses objectifs – information, concertation, participation, décision – ne soit toujours précisée » regrette Ville & Banlieues.
- Recouvrant plusieurs formes, la démocratie participative interroge l’Usager. Cela va des conseils de quartiers dont la création est obligatoire dans les villes moyennes aux ateliers publics en passant par des panels citoyens ou encore des marches-diagnostics organisées hors de tout agenda électoral. Si la forme est variable selon les concertations, la tendance est d’interroger l’usager-habitant sur son cadre de vie (urbanisme, logement, transports, etc) et les dossiers liés à la jeunesse (éducation, sport, culture, etc).
« A quoi bon porter un intérêt aux échéances politiques puisque ma situation sociale reste inchangée et que mes perspectives ne s’améliorent guère malgré les alternances politiques ? » La co-construction des politiques publiques éviterait, selon Ville & Banlieues, que les citoyens des quartiers populaires en arrivent à un tel stade de désenchantement.
Arguant que le faible niveau de diplôme, le chômage important ou encore la ségrégation sociale joue sur la défiance vis-à-vis de la sphère politique, cette association d’élus recense dans son étude les avantages qu’auraient les maires à se prêter réellement au jeu.
- La participation citoyenne peut être sincère et productive. « Loin des concertations-alibis auxquelles se résument trop souvent les enquêtes publiques et autres formes de concertations règlementaires, 60% des maires évoquent des concertations utiles ayant vraiment servi à nourrir et/ou infléchir les projets de la municipalité » note-t-elle.
Si une telle démarche associant les habitants contribue à redonner un peu de légitimité à l’action publique, tout n’est pas encore parfait pour autant. Les débuts de la décentralisation, la complexification des mandats locaux et la professionnalisation politique qu’elle a entraînée, ont considérablement éloigné les habitants des zones urbaines sensibles de la politique. Sans compter que 30% de la population de ces quartiers en politique de la ville, étrangers extra-communautaires, n’ont pas le droit de vote.
- La démocratie participative n’est pas la panacée. Alors que 60% des maires parlent d’une participation moyenne lors des réunions organisées, les habitants eux-mêmes sont difficiles à mobiliser. Nombre d’élus reconnaissent « voir un peu toujours les mêmes personnes », souvent des militants politiques ou associatifs, frustrés et agressifs, défendant leurs intérêts particuliers, plus rarement les personnes les plus vulnérables et les plus précaires.
- La participation citoyenne doit continuer à être développée au bon vouloir des maires. Si « 97% des maires de banlieues jugent indispensable le développement du pouvoir d’agir des habitants et 95% souhaitent poursuivre l’expérience », seuls 55% approuvent l’obligation instaurée par la nouvelle politique de la ville d’avoir recours à des conseils de citoyens.
Malgré l’assurance de Ville & Banlieues qui assure que « la démocratie participative ne cherche pas à dépasser la démocratie représentative mais bien plus à l’enrichir », tous les maires ne se sont pas laissés convaincre par ce mantra répété de façon tautologique. Notamment… lorsqu’il s’agit de leurs propres habitants et d’innover sur son territoire. La déclinaison de la nouvelle politique de la ville dans les prochains mois sera riche d’enseignements.