Politique de la ville : « C’est dans la durée qu’on aura des résultats » – IRDSU
Le projet de loi Ville et Cohésion urbaine définitivement voté le 13 février marque une nouvelle étape de la politique de la ville. Sylvie Rebière-Pouyade, présidente de l’Inter-réseau des professionnels du développement social urbain (IR-DSU) éclaire les enjeux de cette réforme.
Au nom des professionnels, que vous inspire la réforme de la politique de la ville ?
Nous nous réjouissons d’abord que cette réforme, attendue depuis longtemps, voit enfin le jour. Les professionnels sont satisfaits de la reprise d’un certain nombre de leurs demandes comme le contrat unique adossé à la durée du mandat municipal. C’était une demande forte car sur le terrain, il n’est pas possible de réfléchir à un projet de territoire et à l’avenir d’un quartier en traitant séparément le développement social et la rénovation urbaine.
La nouvelle géographie prioritaire ne fait-elle pas débat parmi les acteurs locaux ?
Sur le nouveau zonage, nous restons dans l’expectative : le gouvernement ne diffusera la liste des communes prioritaires qu’à l’été prochain.
Le critère retenu – le taux de pauvreté – a le mérite d’être clair mais doit être croisé avec des critères qualitatifs. Selon nous, la politique de la ville n’a pas vocation à lutter contre la pauvreté, c’est une politique de développement territorial et non une politique redistributive.
Comment réagissez-vous à l’ambition de François Lamy d’encourager la participation des habitants ?
A l’instar de la lutte contre les discriminations, la participation des habitants est pour nous source d’interrogation. Ces deux volets ont été peu traités par la loi, alors que nous les jugeons pourtant indispensables. Ce sont des enjeux cruciaux pour les quartiers prioritaires, il ne faut pas passer à côté. Les « conseils citoyens » doivent naitre de l’initiative des habitants et non devenir des « conseils de quartier »-bis pilotés par la collectivité.
Quelles sont les principales limites que vous voyez dans ce texte ?
Notre principale inquiétude réside dans la future mise en œuvre des dispositions votées. Cette loi est très technique, complexe. Or, l’Etat local n’a plus les moyens de développer une ingénierie et certaines collectivités locales ne sont pas au niveau.
La mobilisation affichée des politiques de droit commun est une avancée considérable : la politique de la ville s’est cantonnée pendant trop longtemps à des crédits spécifiques, et en cela, les conventions constituent une première base de négociation importante. Mais nous serons très attentifs à la capacité des associations d’élus, des représentants des ministères et des opérateurs de l’Etat, peu habituées à la politique de la ville, à flécher leurs crédits et à prendre en compte la notion de projet de territoire…
Cette réforme permettra-t-elle selon vous d’améliorer le sort des habitants ?
Cette réforme procède clairement d’une intention de transformation des politiques publiques. De plus, elle entre en vigueur dans un contexte plus large de réforme de décentralisation et de renforcement des compétences intercommunales. Toute la question est de savoir comment les collectivités locales et les services de l’Etat et la société civile vont s’approprier cette réforme.
Toutefois, il faut être réaliste : ce n’est pas l’exercice de 6 ans d’un contrat de ville qui, dans un contexte de crise et de rigueur, va permettre de rétablir l’égalité dans les territoires. C’est dans la durée qu’on aura des résultats.