Projet de loi ALUR : décryptage des 8 principales dispositions
Examiné en seconde lecture en commission des affaires économiques au sénat le 22 janvier 2014, le projet de loi Alur a beaucoup fait parler de lui pour certaines de ses dispositions, comme la garantie universelle des loyers ou le PLU intercommunal. Le texte aborde cependant de multiples pans de la chaîne du logement, du Scot au traitement des copropriétés dégradées. Revue des principaux dossiers.
1 – Réguler le marché du logement
Introduits de façon expérimentale, l’encadrement des loyers va être étendu. Le texte prévoit en effet que les zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants devront être dotées d’un observatoire local des loyers ; dans les autres cas ces observatoires sont facultatifs. Ils ont notamment pour mission de recueillir les données relatives aux loyers sur une zone géographique déterminée et de mettre à la disposition du public des résultats statistiques représentatifs sur ces données.
Dans ces zones, le représentant de l’État dans le département fixera « chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique. Les montants de ces loyers de référence, loyers de référence majorés et loyers de référence minorés sont déterminés en fonction de la structuration du marché locatif et des niveaux de loyers médians constatés par l’observatoire local des loyers ». Le loyer de référence majoré ne peut être fixé à un montant supérieur de 20 % au loyer de référence. « Le loyer de référence minoré ne peut être fixé à un montant supérieur au loyer de référence diminué de 30 %. Une action en diminution de loyer pourra être engagée si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature dudit contrat.
La Fédération Abbé Pierre estime ce dispositif positif, en ce qu’il permettra de contenir les hausses de loyer, mais insuffisant en ce qu’il ne permettra pas de réelle baisse globale.
2 – Renforcer la politique d’hébergement
Les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), mis en place par le précédent secrétaire d’Etat au logement Benoist Apparu, sont consacrés juridiquement. Une convention sera conclue dans chaque département entre l’État et une personne morale pour assurer un SAIO qui aura pour missions, sur le territoire départemental, de recenser toutes les places d’hébergement, les logements en résidence sociale ainsi que les logements des organismes qui exercent les activités d’intermédiation locative, et de gérer le service d’appel téléphonique pour les personnes ou familles. Il devra aussi veiller à la réalisation d’une évaluation sociale, médicale et psychique des personnes ou familles et leur faire des propositions d’orientation adaptées à leurs besoins, transmises aux organismes susceptibles d’y satisfaire. Des progrès restent à faire en la matière, puisque selon le dernier baromètre du 115, 61% des demandes au 115 n’ont pas donné lieu à un hébergement, dans 75% des cas faute de place disponible.
3 – Un statut pour l’habitat participatif
Sujet cher à la ministre du Logement, l’habitat participatif devrait enfin avoir un statut juridique, alors que le Réseau national des collectivités pour l’habitat participatif se développe et tiendra sa première assemblée générale le 24 janvier 2014. Sociétés d’habitat participatif, coopératives d’habitants, sociétés d’attribution et d’autopromotion : 3 structures juridiques permettront de répondre à la diversité des projets, de plus en plus soutenus, voire impulsés par les collectivités locales.
4 – Prévenir le développement de l’habitat indigne
Fortement inspiré des rapports des sénateurs Braye et Dilain, le titre II consacré à lutte contre les copropriétés dégradées insiste sur la prévention. Les copropriétés vont désormais devoir être immatriculées, et fournir un certain nombre d’informations annuellement. Certains craignent que le nombre d’informations à fournir ne soit trop important, et que cette obligation reste donc lettre morte. Un fonds de travaux devra être institué dans toutes les copropriétés, pour pouvoir faire face le moment venu aux travaux urgents. Les procédures de prévention des difficultés sont améliorées, et des opérations de requalification des copropriétés dégradées pourront désormais être menées par l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements pour lutter contre l’indignité et la dégradation des immeubles en copropriété. Ces opérations pourront même être déclarées d’intérêt national – ce qui vise quelques grandes copropriétés de la région parisienne comme le Chêne Pointu à Clichy-sous-Bois.
En matière de lutte contre l’habitat indigne, le texte initial prévoyait la possibilité d’un transfert des polices de l’habitat du maire au président de l’EPCI compétent en matière d’habitat, possibilité qui s’est transformée en obligation au fil des lectures. Le préfet pourra, dans ces cas, transférer également au président de l’EPCI ses propres pouvoirs en la matière.
Par ailleurs, le projet de loi crée un « permis de louer » : le conseil municipal ou l’EPCI compétent en matière d’habitat pourra délimiter des zones soumises à autorisation préalable de mise en location sur les territoires présentant une proportion importante d’habitat dégradé. Ces zones sont délimitées au regard des objectifs de résorption de l’habitat indécent et de lutte contre l’habitat indigne et en cohérence avec le programme local de l’habitat en vigueur et le plan départemental d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées. Ces zones peuvent concerner un ou plusieurs ensembles immobiliers.
5 – Les EPCI référents en matière d’habitat
L’article 56 élargit les délégations de compétence aux EPCI en matière de logement. Les EPCI compétents en matière d’habitat et disposant d’un PLH pourront à l’avenir se voir déléguer la garantie du droit à un logement décent et indépendant, qui inclut la délégation de tout ou partie des réservations de logements dont le représentant de l’État dans le département bénéficie, et la mise en œuvre de la procédure de réquisition de logements vacants avec attributaire, ainsi que la gestion de la veille sociale, de l’accueil, de l’hébergement et de l’accompagnement au logement de toute personne ou famille sans domicile ou éprouvant des difficultés particulières d’accès au logement.
Sur tous ce sujets sensibles, on peut imaginer que les candidats ne seront pas forcément nombreux…
6 – La planification renforcée
En matière d’urbanisme, le rôle du schéma de cohérence territoriale comme document intégrateur est renforcé : celui-ci devra être généralisé à l’ensemble du territoire d’ici le 31 décembre 2016. Il doit en effet être compatible avec une série de documents listés, et le plan local d’urbanisme ou le document en tenant lieu doit être compatible avec lui, ou mis en compatibilité. Le document d’aménagement commercial, qui devrait être intégré au SCOT dans la première version du texte, a finalement été retiré, tout comme la réforme de l’urbanisme commercial. En revanche, le document d’orientation et d’objectifs du SCOT devra préciser les orientations relatives à l’équipement commercial et artisanal. De plus, à compter du 1er juillet 2014, il ne pourra plus être arrêté de périmètre de SCOT sur un seul EPCI.
7 – Vers la fin de l’instruction des autorisations d’urbanisme par les services de l’Etat
Résignés, les parlementaires n’ont pas touché à l’article 61, qui réduit encore l’instruction des autorisations d’urbanisme par les services de l’Etat aux seules communes qui ne font pas partie d’un EPCI regroupant 10 000 habitants ou plus, ou lorsque l’EPCI compétent regroupe des communes dont la population totale est inférieure à 10 000 habitants, ceci au 1er juillet 2015. De plus, le texte planifie le transfert de la délivrance des autorisations d’urbanisme aux maires à l’échéance du 1er janvier 2017 – actuellement le préfet est compétent dans les communes non dotées d’un document d’urbanisme.
8 – Le PLU toiletté
Afin de lutter contre les recours contentieux abusifs, le plan local d’urbanisme pourra faire l’objet de régularisations, ou d’annulations partielles. Son contenu est également renforcé : le SCOT devra ainsi identifier, en prenant en compte la qualité des paysages et du patrimoine architectural, les espaces dans lesquels les plans locaux d’urbanisme doivent analyser les capacités de densification et de mutation. Le contenu du SCOT est également complété. Le gel des zones à urbaniser et non urbanisées au bout de neuf ans, prévu dans le texte initial, et passé à 12 ans au Sénat, mais a finalement été rétabli à 9 ans après le passage de l’Assemblée nationale.
Le droit de préemption est lui aussi toiletté, avec par exemple la possibilité, pour un EPCI, de créer des zones d’aménagement différé, et son extension aux parts de SCI ou de droits indivis. Le texte sera examiné en seconde lecture au Sénat du 29 au 31 janvier, et la commission mixte paritaire se réunira dans la foulée, pour une adoption du texte avant les élections municipales.