à ré-écouter sur France Inter:
Le trou noir de la politique des quartiers
Depuis 2012, les banlieues semblent aller mieux. C’est vrai que les violences dans les quartiers ne font plus l’actualité. Mais à y regarder de plus près, les choses ne sont pas si apaisées. De graves affrontements entre bandes ont eu lieu le week-end dernier au Kremlin-Bicêtre, en banlieue parisienne et ont coûté la vie à un jeune garçon de 16 ans. Manuel Valls s’est d’ailleurs rendu sur place. Preuve supplémentaire que cela reste un sujet de préoccupation au sommet de l’Etat.
Insuffisamment même si l’on en croit un proche du Président de la République qui confiait récemment son inquiétude sur la situation dans les cités. Pour ce proche de François Hollande donc, le traitement politique des banlieues « c’est le trou noir du quinquennat ». Le jugement est sans appel. Et de mettre en garde: «Si on échoue là, on échoue tout ».
L’avertissement est clair. Certains à gauche ont aussi vu dans le vote à la primaire socialiste de Marseille une fracture très nette entre les quartiers qui ont apporté un soutien massif à Samia Ghali et un vote de centre-ville plus bourgeois qui s’est porté sur Patrick Mennucci.
Un exemple récent, à Marseille toujours, montre que sur le terrain, les attentes sont encore immenses. C’est un autre signal d’une urgence persistante. La semaine dernière, une vingtaine de riverains ont bloqué un énorme chantier du groupe immobilier Nexity près d’une cité sensible dans le 3e arrondissement de la ville. Leur revendication était simple: des emplois sur ce chantier de logements pour les jeunes du quartier. Au passage, c’est une manière de tordre le cou à ces préjugés stupides d’un assistanat qui serait voulu et entretenu. Ces protestataires ont d’ailleurs obtenu gain de cause puisqu’une dizaine de jeunes de ce quartier populaire de Saint-Mauron vont être embauchés. Au delà de la clause d’insertion prévue pour les chantiers des zones urbaines sensibles qui n’est pas très élevée, il faut le dire : 5% seulement des heures travaillées doivent être réservées aux habitants du quartier.
Il est quand même très surprenant que ce quota ne soit pas supérieur quand on connaît les taux de chômage impressionnants des quartiers et que les pouvoirs publics multiplient les dispositifs pour l’emploi.
Le gouvernement a tout de même entrepris une ambitieuse réforme de la politique de la ville. La loi du ministre de la Ville, François Lamy, prévoit de recentrer les aides sur les quartiers vraiment prioritaires avec un seul critère : le revenu des habitants. Un effort de simplification salutaire. Et c’est assez rare pour être signalé, il a été adopté à la quasi unanimité des parlementaires. La droite n’est pas allée jusqu’à voter pour, mais elle s’est s’abstenue. Le texte prévoit aussi une nouvelle tranche de travaux de rénovation urbaine avec une enveloppe de 5 milliards d’euros. Mais pas sûr que cela suffise, encore une fois, à réparer une ghettoïsation sociale et économique très ancrée et qui n’a fait que s’aggraver avec la crise.
François Hollande a une possibilité de combler ce « trou noir » que dénonce donc l’un de ses proches : le pacte de responsabilité qu’il propose aux entreprises pourrait être l’occasion de demander davantage en matière d’intégration des jeunes sans emploi. On m’objectera qu’il ne faut pas commencer à fixer des contraintes particulières qui pourraient décourager les entrepreneurs. Sauf qu’en l’occurrence, il y va de la cohésion nationale et de l’absolue nécessité d’éviter un nouvel embrasement des banlieues. Celui de 2005 était arrivé sans prévenir.