Des collectivités pionnières misent sur l’habitat participatif, via Localtis

Lu sur Localtis

Des collectivités pionnières misent sur l’habitat participatif

L’habitat participatif résoudra-t-il la crise du logement en ville ? Les collectivités locales sont en tout cas de plus en plus nombreuses à s’y intéresser et à accompagner les citoyens dans leurs projets. Tour d’horizon, avec le Réseau national des collectivités pour l’habitat participatif.

Salle comble, lundi 26 mai au soir, pour la ville de Paris qui animait la réunion publique de lancement de son premier appel à projets d’habitat participatif. Pour de potentiels futurs candidats, c’était en effet l’occasion de découvrir en détail les trois parcelles dédiées aux projets, les modalités d’accompagnement proposées et, pourquoi pas pour certains d’entre eux, leurs futurs voisins.
Voisinage ? Le mot est peut-être faible pour décrire le lien que les heureux participants d’un tel projet seront amenés à développer. S’appuyant sur des expériences menées à Montreuil, l’architecte-urbaniste Anne d’Orazio définit l’habitat participatif comme « la mobilisation des habitants dans la production ou la coproduction de leur cadre de vie et leur implication dans la gestion courante et ordinaire du patrimoine qu’ils occupent »*. Ainsi, en se regroupant autour d’un projet d’habitat participatif, les habitants partagent nécessairement certaines aspirations, tant sur le type de logement souhaité que sur le mode de vie qu’ils entendent mener. Des attentes qui varient selon les projets avec, a minima, la volonté d’accéder à un logement de qualité et de renouer avec une certaine dose de vie collective. En pratique, les habitants mutualisent des lieux et des fonctions (terrasse, buanderie…), ce qui permet d’optimiser l’espace. Souvent, ils s’impliquent aussi collectivement dans des démarches d’animation de la vie du quartier (associations de voisinage et de solidarité, jardins partagés, etc.).

Des laboratoires de ville durable

D’abord interpelées par les citoyens les plus pro-actifs en la matière, les collectivités locales sont aujourd’hui plus nombreuses à prendre l’initiative pour informer et éventuellement accompagner les groupes d’habitants qui tentent l’aventure. Une quarantaine de collectivités (des communes, des intercommunalités, des régions, mais aussi des départements et des parcs naturels régionaux) auraient engagé une réflexion et parfois des actions sur le sujet, selon le Réseau national des collectivités pour l’habitat participatif (RNHP). Et la reconnaissance récente de l’habitat participatif par la loi relative à l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) (voir l’encadré ci-dessous) pourrait bien donner des idées à d’autres.
Créée fin 2010 par des villes particulièrement actives en la matière telles que Grenoble, Montreuil et Rennes, le réseau identifie plusieurs sources de motivation pour les collectivités. La dimension urbaine et citoyenne, d’abord, puisque les groupes d’habitants contribuent à travers leur projet à « fabriquer la ville ». Ensuite, pour Alain Jund, porte-parole du réseau et adjoint au Maire de Strasbourg, « entre le logement social public et les promoteurs privés », l’habitat participatif constitue une « troisième voie » porteuse de solutions face à des défis tels que l’étalement urbain. « Il n’y a pas d’injonction à la densité possible », selon Alain Jund, « mais de tels projets contribuent à donner envie de ville ». Par ailleurs, l’habitat participatif permet de se réinterroger sur la façon dont « on vit ensemble dans la ville », avec des groupes d’habitants soucieux de favoriser « l’innovation sociale, la performance énergique et la qualité environnementale », ajoute le porte-parole du réseau. Des laboratoires de ville durable, en somme.

Des modalités d’accompagnement variées

Le RNHP estime qu’il y aurait aujourd’hui en France « entre 120 et 150 opérations achevées ou engagées ». Des opérations d’une grande diversité, observe Pierre Zimmermann qui assure la coordination technique du réseau. Une diversité dans les choix architecturaux, les montages juridiques (coopérative, autopromotion, accession sociale à la propriété…), mais également dans les modalités d’accompagnement proposées par les collectivités. Certaines, telles que la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, se concentrent sur des actions de diffusion de la connaissance auprès de l’ensemble des acteurs concernés. Tout en réservant du foncier aux futurs projets, plusieurs villes et agglomérations (telles que Lille, Grenoble ou encore Brest Océane Métropole et désormais Paris) lancent quant à elles des appels à projets ou des appels à manifestation d’intérêt.
Après les premières expérimentations, une deuxième vague d’appels à projets peut être l’occasion pour la collectivité d’affiner son dispositif d’accompagnement. C’est ce qu’a constaté Pierre Zimmermann pour Strasbourg, où une vingtaine de projets sont actuellement en cours : « entre le premier et le deuxième appel à projets, la ville de Strasbourg a beaucoup renforcé son accompagnement ». Désormais, des ateliers permettent aux habitants de se former progressivement, jusqu’aux aspects financiers et juridiques les plus techniques. Les collectivités lançant des appels à projets font souvent aussi le choix de financer une assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) qu’Alain Jund estime primordiale pour « passer du rêve à la réalité ».

« Faire ensemble, mais pas entre soi »

En contrepartie de ces aides, les collectivités posent leurs conditions. Sur les trois parcelles parisiennes, la Ville de Paris invite ainsi les candidats à « faire la part belle à l’innovation sociale, économique et écologique » et précise que les « immeubles à haute performance énergétique devront notamment comporter des espaces de vie collectifs, et garantir une mixité sociale des habitants ». La qualité –environnementale, mais aussi d’usage- du logement figure de toute façon parmi les priorités des habitants. Pour certains, la voie collective est d’ailleurs la seule qui puisse leur permettre d’accéder à un tel logement. Alain Jund estime que le rôle de la collectivité est alors fondamental pour garantir que « l’habitat participatif ne soit pas réservé à quelques-uns ». « Il s’agit de faire ensemble, mais pas entre soi », insiste l’élu. Dans les faits, cette exigence de mixité sociale oblige les habitants à trouver le juste équilibre dans les choix architecturaux pour « ne pas perdre les ménages les plus modestes », estime Pierre Zimmermann. A Strasbourg, l’un des projets d’habitat participatif en cours, porté par une société coopérative d’HLM sur l’éco-quartier Danube, se concentre sur l’accession sociale à la propriété.

Sensibiliser toute la chaîne

Des citoyens aux collectivités en passant par les bailleurs et les professionnels mobilisés, la pluralité des acteurs impliqués, avec des formules à géométrie variable, est d’ailleurs bien l’une des caractéristiques du mouvement. Le RNHP souhaite valoriser cette diversité de formules et de portages, gage d’innovation locale. Pour accélérer le développement de l’habitat participatif, cela implique de sensibiliser l’ensemble de la chaîne du projet immobilier : les métiers de la construction bien sûr, mais aussi les banquiers et les notaires. Les nombreuses associations d’habitants, fédérées dans le réseau Coordin’action, jouent un rôle important en matière de valorisation de l’existant et de retours d’expériences. Toutefois, sur le terrain de la légitimation, et même si les statuts prévus par la loi Alur devraient être facilitants, ce sont les collectivités qui sont attendues.
Après l’installation des nouvelles équipes municipales, le réseau prévoit d’organiser un colloque à la rentrée de septembre. Espérant un développement quantitatif et qualitatif de l’habitat participatif en France, le RNHP pense que, après la construction de logements neufs, des projets de réhabilitation à dimension participative pourraient voir le jour. Avec, en ligne de mire, la ville de Tübingen en Allemagne, où l’habitat participatif représente, pour Alain Jund, « une manière de faire devenue normale ».

Lire sur Localtis