L’immense défi pour les pouvoirs publics de la rénovation des cités de Marseille

  Lu sur La gazette

L’immense défi pour les pouvoirs publics de la rénovation des cités de Marseille

La rénovation des cités des quartiers Nord de Marseille, poches de pauvreté et parfois de violence souvent coincées entre autoroutes et noyaux villageois, constitue un immense défi pour les pouvoirs publics, la jugeant prioritaire.

C’est dans le nord de la ville, où le foncier était disponible, que se sont construits la plupart des grands ensembles marseillais au début des années 1960, voire avant pour certains, le plus souvent dans l’urgence: car la ville a gagné 150.000 habitants entre 1960 et 1975, sous l’effet principalement de l’afflux des pieds-noirs, mais aussi de la main d’oeuvre immigrée.

Razzia sur le foncier – « Il y a eu une sorte de « razzia » sur le foncier, contrairement à d’autres grandes villes qui avaient pris le temps de planifier leur schéma d’urbanisme. Au vu des contraintes topographiques considérables de la ville, les espaces facilement urbanisables étaient en outre limités. Du jour au lendemain, il a fallu accéder à 1500 logements par le même chemin qui desservait 10 ans plus tôt une simple bastide », explique Nicolas Binet, directeur de Marseille Rénovation Urbaine, l’organisme en charge de la coordination des investissements publics dans le parc urbain.

Classes moyennes – Destinées à l’origine aux classes moyennes, les cités ont ainsi vu le jour sur un relief souvent escarpé, entre de vieux noyaux villageois, des autoroutes, des territoires délaissés de l’arrière-port, et quelques zones de campagne, où les riches familles marseillaises de l’ancienne possédaient leurs bastides. Ici, pas de grands ensembles de 3-4000 logements comme à La Duchère, près de Lyon, ou en banlieue parisienne, où les grands espaces agricoles s’y prêtaient.

« Gaston Defferre (maire de 1953 à 1986, ndlr) a également tout fait pour empêcher ce type de grands programmes. Il considérait qu’ils pouvaient constituer des bastions du parti communiste, son ennemi politique. Cela a renforcé cette fragmentation », observe en outre Thierry Durousseau, architecte marseillais et spécialiste de l’histoire des cités de la ville.

Forteresse – Symbole de ces constructions à la hussarde, La Savine semble par exemple coupée du monde, perchée en mode forteresse et quasi labyrinthique sur un promontoire où l’on n’accède que pas une seule route. Quelque 1400 logements y ont été construits en 1973 à sa création, il n’en reste que 700 aujourd’hui, après une destruction entamée… dès 1990. « On n’aurait jamais dû réaliser La Savine… C’est aujourd’hui la 4e campagne de rénovation! Le courage aurait dû conduire à tout démolir, plutôt que de constituer des « réserves d’Indiens », tonne M. Durousseau.

La banlieue est dans la ville – Il faut néanmoins raser, reconstruire, reloger, reformater entièrement la voirie pour tenter de mieux connecter l’ensemble à la ville, créer des petites zones d’activité, moderniser des équipements publics ou encore favoriser l’accès à la propriété pour « transformer une cité en un véritable quartier », selon M. Binet. Comme au Plan d’Aou, un ensemble aujourd’hui moins enclavé, où la dernière barre de 60 logements, qui n’aurait pas dépareillé dans les ensembles de l’ex-RDA mais avec vue dominante sur Marseille, a été détruite en décembre. Il faut aussi dans certains cas convaincre des bailleurs privés âpres aux gains de laisser intervenir les pouvoirs publics, ce qui n’est pas chose aisée…

Enfin, au-delà du bâti, se dresse l’enjeu de l’irrigation de ces quartiers par des transports en commun à la hauteur, en particulier l’extension du métro, inexistant sur ces territoires. Le « désenclavement des quartiers nord par les transports en commun » est « une priorité majeure », avait ainsi affirmé le Premier ministre Jean-Marc Ayrault début novembre, venu annoncer son plan d’aide pour la ville.

Un milliard apportés par l’Etat, les collectivités et les bailleurs sociaux – Quatorze sites font aujourd’hui l’objet d’une rénovation, dans le cadre de l’ANRU (agence nationale de rénovation urbaine), pour 1 milliard d’euros apportés par l’Etat, les collectivités et les bailleurs sociaux. Aucune commune française ne concentre autant d’investissement. Ce qui peut s’expliquer par une autre caractéristique marseillaise: sa banlieue est dans la ville.

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